Travailleurs détachés : « La liberté de circuler ne doit pas être celle d’exploiter »

Huit ministres du travail de l’Union européenne demandent que ces travailleurs « puissent bénéficier d’une rémunération équivalente à celle des travailleurs du pays d’accueil dès le premier jour de leur détachement ».

L’Europe est confrontée à des défis majeurs : Brexit, crise migratoire, montée des populismes… Alors que l’Union européenne (UE) devrait être plus unie que jamais pour répondre au mieux à ces défis, elle suscite un sentiment de méfiance de la part des citoyens. Ces derniers ont de plus en plus de difficultés à comprendre le sens du projet européen et à voir ce qu’il peut leur apporter.
Dans ce contexte, la tentation du protectionnisme et du populisme ne peut, en aucun cas, être la solution. Européens convaincus, nous sommes attachés au projet européen, à ses réalisations et notamment aux grandes libertés de circuler au sein de l’UE. C’est l’une des grandes réussites de l’UE. C’est pourquoi nous voulons le préserver et lui redonner tout son sens, celui d’un réel espace de prospérité et de liberté pour 500 millions d’Européens.
Une croissance profitable à tous
Pour y parvenir, il nous faut renforcer nettement la dimension sociale de ce marché intérieur et plus généralement de la construction européenne. Nous devons tout particulièrement lutter contre les sociétés boîtes aux lettres qui se créent avec pour seule « raison sociale » de profiter des écarts de coûts salariaux entre les pays de l’UE, sans développer d’activité substantielle dans l’Etat d’origine.
Le marché intérieur doit être capable de garantir une croissance qui profite à tous, grâce à une convergence sociale vers le haut. Traitement digne et équitable des travailleurs et liberté de circulation ne peuvent pas être considérés comme antagonistes. La liberté de circuler ne doit pas être la liberté d’exploiter.
C’est tout le sens de notre engagement en faveur de la révision de la directive sur le détachement de travailleurs de 1996.
Aujourd’hui, le constat est sans appel : nous devons parvenir à une révision de ce texte. Car celle-ci ne protège plus suffisamment les travailleurs détachés. Nous devons rééquilibrer la balance entre protection des travailleurs d’une part, et libre prestation de service d’autre part. Depuis 1996, la situation économique et le marché du travail ont énormément évolué dans l’UE. En vingt ans, le nombre des travailleurs détachés a crû considérablement pour atteindre 2 millions aujourd’hui. La directive de 1996 n’est plus adaptée à la situation.
Protéger les travailleurs européens
C’est pourquoi, nous, ministres chargés de l’emploi, du travail et des affaires sociales, voulons œuvrer à une réforme ambitieuse, pour les citoyens européens, des règles du détachement. Nous voulons que la directive de 1996 constitue une source de protection effective de tous les travailleurs européens.
Les travailleurs détachés doivent pouvoir bénéficier de conditions de vie et de travail décentes et d’une rémunération équivalente à celle des travailleurs du pays d’accueil dès le premier jour de leur détachement. Nous voulons aussi que la directive de 1996 garantisse les conditions d’une concurrence loyale entre les entreprises européennes. Enfin, nous voulons que le champ d’application de la directive ne soit ni réinterprété ni restreint.
Pour y parvenir, nous devons fixer des règles claires, équitables et transparentes, qui pourront être aisément mises en place et facilement compréhensibles pour les travailleurs et les entrepreneurs européens.
Cette réforme ambitieuse, réalisée sous présidence maltaise, nécessitera une compréhension mutuelle de nos positions et de nos préoccupations. La capacité de l’UE à mener cette réforme nécessaire sera un signal fort envoyé aux citoyens sur le projet européen. Il nous faut travailler de concert, à vingt-huit. Nous sommes pleinement engagés en ce sens. L’Europe doit être à la hauteur des espérances qu’elle suscite.